Je sais, le titre paraît alléchant. Mais ne vous réjouissez pas trop vite car ce texte n’a rien de sulfureux !
Dans cette scène coupée du tome 2 de ma saga Mad About You (Violetta Song), Mina passe une soirée studieuse au Louvre en compagnie de son ami Julian. Ils vont y parler peinture, sentiments… et Nutella ! En cette journée mondiale du Nutella, je ne pouvais pas ne pas vous offrir ce texte, n’est-ce pas ? Alors très bonne dégustation à tous !
Mercredi 29 avril
Mark n’a pu rester que quelques jours à Paris avant de repartir à New York, pour assister à l’enregistrement du disque des Bloody Shots. Je profite de son absence pour mettre le turbo en histoire de l’art. J’ai en effet une revanche à prendre sur mon fiasco de l’année dernière, et je compte bien réussir haut la main mes examens de juin.
Je déambule dans les allées du Louvre en compagnie de Julian, qui a proposé de m’accompagner. C’est l’occasion de nous retrouver après une longue période passée sans nous voir.
Je m’absorbe dans la contemplation d’une toile des frères Le Nain qui représente une famille de paysans. Les visages à demi éclairés, le camaïeu subtil des coloris des vêtements, la sobriété de la composition me touchent beaucoup.
– Je croyais que tu détestais l’art du Grand Siècle ? remarque Julian avec ironie.
– La peinture religieuse, c’est pas trop mon truc. Mais là, c’est différent. Il y a un beau condensé de diverses influences, comme le clair-obscur caravagesque, les scènes de genre flamandes…
– Il y a surtout une dimension allégorique : ce tableau représente les trois âges de la vie.
– Tu crois ?
– Ben oui ! Regarde, là : cet homme et cette femme ont les traits bien plus marqués que la femme de gauche.
Il a peut-être raison mais son air pédant m’agace, alors je décide de lui répondre sur le même ton.
– Je ne suis pas vraiment d’accord. Pour moi, la dimension symbolique tient plutôt à la présence de pain, de vin et de sel. C’est typiquement biblique.
– Pff !
– Je te ferai remarquer qu’il y a une marmite au premier plan. Ainsi qu’un panier…
– Oui, et alors ?
– Et alors ? Et alors ça veut dire qu’il y a de la bouffe, là-dedans. Je ne sais pas, moi… Peut-être qu’il y a des œufs, ou bien du fromage ?…
– Ou encore du Nutella, pour aller avec le pain ? m’interrompt-il d’une voix narquoise.
– Ce que tu peux être con, tout de même ! je m’exclame en tentant de lui donner une tape sur le bras, qu’il parvient à esquiver d’une pirouette.
– Je te rappelle que tu es censé m’accompagner pour m’aider à réviser…
– Et ça n’est pas ce que je fais ?
Nous sommes alors interrompus par la gardienne de la salle, qui nous prie de parler un peu moins fort afin de ne pas déranger les autres visiteurs. Nous feignons de reprendre notre sérieux tout en nous concentrant sur le tableau.
– Du Nutella, je grommelle entre mes dents… T’es vraiment trop nul, toi !
– Bon je te l’accorde, à l’époque Ferrero n’avait pas encore inventé le Nutella, murmure Julian d’un ton faussement sérieux.
– Mais tu ne peux pas la fermer, non ? J’essaie de travailler, là, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué !
– Au fait, tu sais comment Ferrero a inventé le Nutella ? Juste après la seconde guerre mondiale, en Italie, on manquait de fèves de cacao. Du coup, Ferrero a eu l’idée de les remplacer par des noisettes et bingo ! Le Nutella est né ! Enfin, pas tout de suite… Au départ c’était un pâté tout dur qu’on découpait au couteau. Mais quelques années plus tard, grosse canicule : les pains de glace qui servaient à tout réfrigérer fondent, et les pâtés deviennent de la bouillie… La cata ! Sauf que pour éviter de tout perdre, Ferrero a décidé de vendre sa bouillie dans des petits pots de verre. Et là, c’est le jackpot !
– Quel rapport avec les frères Le Nain, tu peux me le dire ? je l’interroge, agacée.
– Aucun ! Mais ça me semblait important de le souligner, à ce stade !
Je lui lance un regard noir tandis qu’il fait mine de réfléchir.
– Quoique… Tu sais que le Nutella a permis de nourrir des millions d’enfants après la guerre ? C’est vraiment dommage qu’il n’ait pas été inventé du temps des frères Le Nain. Les péquenots du tableau n’auraient pas eu l’air aussi affamés.
– Tu le fais exprès, hein ? je gronde excédée.
– Bien sûr que je le fais exprès ! J’en ai marre, Mina ! Je veux aller boire un coup. Pas regarder de vieilles croûtes qui ne sont plus à mon programme puisque moi, je n’ai pas redoublé !
– Ah, je vais te tuer ! je m’écrie en me lançant à sa poursuite.
Le sifflet de la gardienne retentit et d’une voix furieuse, elle nous intime l’ordre de décamper. Julian éclate de rire et se met à courir vers la sortie, tandis que je le pourchasse en l’abreuvant d’injures. Nous finissons par quitter le musée et par nous réfugier au bar de l’Hôtel du Louvre, où nous nous affalons dans de confortables fauteuils rouges.
– T’es vraiment pas un copain ! je marmonne, faussement boudeuse, tout en sirotant un gin tonic.
– Mina, ce soir tu es triste. Maître Mark est parti très loin et tu te languis de lui. Il était donc de mon devoir de te faire oublier ta solitude en te faisant boire. Je n’ai pas raison ?
Je pouffe de rire, conquise par son aplomb.
– Il te manque, ton Maître ? reprend-il d’un air curieux.
– Beaucoup !
– Sache qu’il tient beaucoup à toi, lui aussi, me lance-t-il impassible.
– Mais comment tu sais ça, toi ?! Il te l’a dit ?
– Non. Le Maître ne me parle jamais de ses sentiments pour toi. Mais il t’a mise en fond d’écran sur son ordinateur, alors…
– C’est vrai ?! je m’exclame toute excitée.
– Le selfie que tu nous avais envoyé lorsque tu avais massacré tes cheveux, l’été dernier. Ça n’est pas la photo de toi que je préfère, note bien, mais c’est celle qu’il a choisie, lui…
– Oh !…
Je suis émue par ce que Julian vient de m’apprendre. Et quelque part, je me sens un peu honteuse. Mon fond d’écran est celui du fabricant de mon ordinateur !
– En tout cas, le Maître te fait un bien fou.
Il me lance un regard hésitant avant de poursuivre.
– À force de travailler pour lui, j’ai appris à mieux le connaître. Je sais qu’il peut paraître… euh… déjanté… Genre artiste maudit, tout ça… Mais c’est un mec bien, en fait. Comme Louis Duprey d’ailleurs, bien que dans un autre genre… Au fait, pourquoi ça a foiré avec lui ?
– Tu deviens indiscret, Julian.
Il m’observe un moment, ce qui me rend nerveuse, et je bois une gorgée pour tenter de cacher ma gêne.
– Tu sais qu’il m’a contacté ?
– Hein ?!
– Début octobre. J’avais déjà commencé à travailler pour Mark. Louis m’a dit qu’il t’avait croisée dans la rue et qu’il t’avait trouvé très mauvaise mine. Il voulait que je lui donne de tes nouvelles.
J’inspire profondément sans répondre, puis reprends mon verre.
– Quand tu bois comme ça, c’est que ça te gonfle ! OK, j’arrête alors.
Je le dévisage un moment avant de me décider.
– En fait, j’ai revu Louis. D’abord à la première de la Traviata, puis à dîner. Mark n’est pas au courant pour le dîner, à propos… je précise d’un ton crispé. On a fait le point, et la conclusion de tout ça, c’est que rien ne sera plus jamais possible entre nous. Voilà, fin de l’histoire ! Ne t’inquiète pas pour lui, il a tourné la page. Pour le reste, c’est-à-dire les raisons de notre rupture, je préfère ne pas en parler. Déjà que tu m’as gâché mon nocturne au Louvre…
– OK, t’inquiète ! Et vraiment désolé pour les frères Le Nain. On y retournera quand tu voudras. Je te promets que je serai le maître de conférence le plus sérieux du monde. Tiens, une dernière info sur les péquenots qui te faisaient chialer tout à l’heure… Tu savais que le Louvre a pu acheter ce tableau en 1915, grâce au fric légué par Arthur Pernollet ?
– Non. Et d’abord qui c’était, Arthur Pernollet ?
– Un notable qui est mort veuf et sans enfants. Il a légué sa fortune au Louvre. Tu veux savoir pourquoi ? Tiens-toi bien : c’était en reconnaissance du bien que lui ont fait les choses de l’art. C’est beau, non ?
– Très beau, oui…
– Tout ça pour dire que je serais toi, l’artiste maudit, je le garderais bien précieusement car il te fait du bien, Mina !
J’éclate de rire et lui ébouriffe gentiment les cheveux.
– N’aie crainte. L’artiste maudit, comme tu dis, je compte bien me le garder.
– OK. Je vais l’en informer, alors, si tu n’y vois pas d’inconvénient.
J’ouvre grand la bouche, scandalisée par un tel manque de discrétion, et il me saute dessus pour m’ébouriffer les cheveux à son tour. Puis d’un grand geste théâtral de la main, il fait signe au garçon de nous apporter deux autres cocktails.
(Tous droits réservés Iris Hellen)
Très bon. Le ton et l’interaction entre les deux protagonistes est très bien écrite. On sent la complicité et les sentiments un peu voilés. Très bel extrait, merci!
Merci beaucoup Isabelle !
Et pourtant…
A l’époque, mon éditrice m’avait obligée à couper ce texte
Peut être qu’elle n’aimait Pas les frères Le Nain, ou le Nutella… allez savoir !
Merci pour cet extrait ! J’ai bien aimé le passage du Nutella (étant une grande fan), il m’a fait rire et peut être envie de le découvrir cette histoire…
Bonjour et merci beaucoup pour ce commentaire qui me fait très plaisir.
Malheureusement mon éditrice chez Harlequin ne devait pas vraiment être fan de Nutella car elle m’a obligée à supprimer ce passage de la version finale.
J’espere malgré tout que cela ne vous empêchera pas de découvrir ma plume un de ces jours…
A très bientôt j’espère !